“Mets-toi en pilote automatique, et laisse dérouler”. -“T’as peur de devenir un robot ?”. “N’importe quoi, c’est la machine qui me donne le temps de penser”. Voilà le genre de dialogue que vous aurez peut-être, le jour où vous aurez intégré la puissance des ERP, ces progiciels malins qui vous facilitent la vie. Synthèse en mode non automatique.

La machine au service de l’humain, pour faire ressortir le meilleur de ce qu’il a à offrir. Cette phrase ressemble à un vulgaire slogan publicitaire. Pourtant, c’est bien l’enjeu de l’ERP, ou Progiciel de Gestion Intégré. Son objectif résume assez bien les promesses du digital de manière générale : automatiser toutes les tâches pénibles pour que l’humain, quel que soit son secteur d’activité, se concentre sur les parties créatives de son travail. Concrètement, un Progiciel de Gestion Intégré est une suite applicative qui permet de rassembler l’ensemble des données métier (vente, logistique, supply chain, ressources humaines…) sur une base unique. L’Intelligence Artificielle (IA), qui analyse les données, offre ensuite une aide à la prise de décision. Analyse comptable et financière, processus de paiements différés ou de reports, journal des modifications pour informer les utilisateurs des derniers changements dans leurs processus : l’ERP centralise toutes les données.

Le potentiel économique de l’IA, de la robotique et de toutes les autres formes d’automatisation intelligente est énorme. D’ici 2030, il représentera 13 500 milliards d’euros du PIB mondial, soit une croissance de 14% (Sizing the Price, PWC, 2017). Alors, la machine nous aide-t-elle déjà à mieux gouverner nos entreprises ?

Y a-t-il un pilote (automatique) dans l’avion ?

Imaginez une entreprise qui n’a pas besoin de démarcher. Le business vient à elle tout naturellement. La crise passant par là, les clients se font rares. Elle doit donc prospecter, parfois même sur de nouveaux marchés. Autrement dit, elle doit changer à la fois son business model et ses perspectives de gestion. Ces changements, pris par la direction générale, vont se répercuter sur l’ensemble des collaborateurs. Un nouveau modèle, tenant compte de ces différentes évolutions, sera implémenté dans l’ERP qui combinera les deux flux : l’entrant des clients et le sortant des collaborateurs qui doivent identifier de nouveaux prospects. Une modélisation claire qui engage toutes les parties prenantes d’une société. Les modèles prédictifs développés par l’IA vont permettre en plus d’anticiper les évolutions de son business et de trouver de nouvelles opportunités commerciales. La machine offre en effet un nouveau regard, plus froid, dénué d’émotions, donc parfaitement rationnel. Ainsi, l’ERP est une façon de renforcer les process de l’entreprise, un moyen efficace  de la mettre sous stéroïdes afin d’assurer la croissance de ses muscles.

Intégrer un peu de robot, d’objectivité dans l’analyse de ses processus, c’est là précisément la force des ERP. Un recul parfois nécessaire pour trouver de nouvelles solutions à de vieux problèmes. Encore faut-il trouver le bon progiciel dans l’offre pléthorique du marché. Afin d’aider les entreprises, des organismes mondiaux réalisent des benchmarks de performances de processus pour leurs clients. Ils peuvent profiter à toutes les organisations, quelle que soit leur taille : startups, PME et grandes entreprises. Remettre en perspective ses processus permet ainsi de choisir les bons outils et de les faire accepter plus facilement aux équipes métier.

Changer (et échanger) les expériences

Car la plus grande force, comme la plus grande faiblesse de l’ERP, c’est l’humain. D’un côté, c’est lui qui le conçoit, qui l’adapte à ses besoins. De l’autre, il a besoin d’être utilisé par l’ensemble des collaborateurs pour être utile. La modélisation des processus doit donc déboucher sur un consensus dans l’ensemble des équipes. Un premier obstacle de taille quand on sait que 50% des entreprises estiment ne pas disposer des ressources internes nécessaires pour mettre en place des outils et solutions digitales (source : ACSEL). Un investissement supplémentaire dans la formation aux progiciels est ainsi indispensable pour convaincre les salariés. Heureusement, de nombreux modules servant à faciliter l’adoption des ERP existent aussi.

Toujours selon le dernier baromètre ACSEL, la moitié des entreprises interrogées déclarent que le numérique a contribué à leur chiffre d’affaires, et près du tiers estime à plus de 15% son apport. L’effet collatéral de cette tendance est une certaine forme de « jeunisme ». 49% des entreprises sondées ont en effet embauché des jeunes en 2022, en majorité des alternants. Pour les trois quarts, la première raison invoquée est leur aisance vis-à-vis du numérique. Cette situation constitue une opportunité pour créer de nouvelles passerelles intergénérationnelles susceptibles d’accroître la mise en place des ERP, mais aussi une meilleure compréhension de leur utilité. Dans un échange réciproque d’expériences distinctes, les jeunes formeront les seniors à l’utilisation des progiciels, les seniors apporteront leur expertise métier pour affiner la configuration de ces progiciels, et faire en sorte qu’ils apportent une réponse pertinente aux besoins de l’entreprise.

L’évolution (artificielle) des métiers

Tous les métiers sont concernés par l’automatisation des tâches. Dans un secteur comme le BTP par exemple, l’ERP facilite notamment les études de prix, la sélection des fournisseurs, le suivi de chantier, les résultats d’exploitation ou encore la gestion des ressources humaines. C’est une interface unique de gestion, le lieu où l’humain s’allie à la machine. Il représente ainsi la nouvelle frontière que les entreprises doivent franchir pour amorcer leur transformation digitale. L’ERP est la première étape d’un changement plus profond du travail, qui interfacera de plus en plus Intelligence Artificielle et humain.

Cette alliance humain-machine ne sera pas sans conséquence. Une étude de McKinsey révèle que 30% des emplois sont automatisables dans 60% des professions. De nombreux métiers sont donc voués à évoluer, à s’hybrider avec la machine pour continuer d’exister, sans doute sous une autre forme. 14% des emplois dans les pays de l’OCDE sont d’ailleurs susceptibles de disparaître (dont 16,4% en France) dans les années qui viennent. Un chiffre cependant à relativiser puisque la disparition n’est pas majoritaire. 32% des emplois pourraient en effet être seulement transformés par l’automatisation des tâches et la multiplication des machines au cours des vingt prochaines années.

Alors, demain, tous robots ? Non, le robot nous permettra en fait de construire de nouveaux métiers, de nouvelles vocations. L’ERP est à la base de ce changement à venir, il amorce un renouveau de nos emplois. Automatiser les tâches, c’est déjà faire évoluer le concept de travail.

Article initialement paru dans Informatique News.