« Il faut écouter ceux qui parlent, si on veut en être écouté. », écrivait le moraliste François de La Rochefoucauld, un rappel toujours d’actualité pour des entreprises voulant continuellement se démarquer.

Ce besoin d’écoute, bien qu’il ne soit pas récent, apparaît désormais complexe. Le parcours client bien balisé d’autrefois n’existe plus. Les entreprises évoluent en effet dans un environnement où l’identité réelle et virtuelle se confond, où le besoin d’ultra-personnalisation se généralise, et où les moyens de partager son opinion se multiplient.

Si les entreprises intègrent dans leur majorité la notion d’expérience client dans leur démarche stratégique, bien souvent elles sont encore freinées par leur incapacité à instiller une culture de l’écoute du client chez leurs collaborateurs. Pour que celle-ci soit efficace, les collaborateurs, dans une parfaite symétrie, doivent bénéficier de l’écoute des décisionnaires. Il y a en effet un lien de causalité entre les deux écoutes puisqu’un collaborateur écouté par sa hiérarchie sera davantage à l’écoute des clients et plus enclin à remonter des informations clés. Si cette causalité semble évidente, elle n’est pas toujours bien appréhendée dans les entreprises. Résultat : l’approche dominante est de réagir aux demandes des clients plutôt que de les anticiper.

ATTENTES ET EXPÉRIENCES : UN ÉQUILIBRE PRÉCAIRE

Tout d’abord, il convient de définir concrètement la notion fondamentale d’expérience client. Celle-ci désigne la somme des interactions d’un client avec une marque à travers les différents canaux de communication. Ces interactions s’étendent de la phase de découverte de la marque à la phase de fidélisation du client, en passant par l’anticipation du besoin. Chaque interaction, réelle ou virtuelle, contribue à façonner, positivement ou non, la perception de la marque par le client.

L’expérience client ne peut donc se concevoir sans intégrer un ingrédient clé : les attentes des clients. Elles sont le résultat d’une combinaison unique entre les valeurs de l’entreprise, les expériences passées avec d’autres entreprises et avec l’entreprise elle-même. Autant de facteurs qui vont inconsciemment générer des attentes non figées dans le temps. Cependant, ce sont les actions de l’entreprise qui ont le plus d’impact sur la perception du client au long de son parcours. L’entreprise doit donc contrôler les interactions et ainsi tracer un parcours correspondant aux attentes des différentes typologies de clients.

UNE SYMÉTRIE NÉCESSAIRE ENTRE CLIENTS ET COLLABORATEURS

La plupart du temps, le constat est le même : les collaborateurs déterminent des actions destinées à leurs clients sans véritablement chercher à se projeter eux-mêmes dans la peau du client. Ils se contentent, par facilité, par faute de temps, de suivre des instructions précises ou des stratégies tierces. Cette manière robotique d’exécuter des actions impacte négativement les entreprises.

Afin de repousser leurs limites et atteindre ainsi de nouvelles frontières, il est crucial pour ces dernières de promouvoir une culture d’entreprise différente. Un changement de mentalité doit s’effectuer afin de considérer d’abord l’expérience du client, puis les produits et services de l’entreprise. Chaque décision quotidienne doit être analysée et exécutée à travers le prisme du client. Cette mentalité doit se refléter dans chaque initiative et devenir un des piliers de la stratégie.

Qu’en pense le client ? Cette action permet-elle de répondre à un de ses besoins ? Quels sont les enjeux de mes clients et que puis-je faire pour les aider à les résoudre ? Autant de questions qui doivent devenir un réflexe pour chaque collaborateur.

Au-delà de ces interrogations, le terme « client » qui, jadis, sous l’empire romain désignait le vassal ou le protégé, est d’ailleurs totalement redéfini. Désormais, il faut non seulement lui accorder un savoir-faire mais aussi une qualité précieuse. Il n’est plus simplement une personne dénuée de savoir-faire qui achète un service ou un produit, mais un potentiel partenaire de progression avec qui il faut construire une relation. Pour pouvoir être pleinement à l’écoute de ses clients, une transition allant du transactionnel au relationnel, via l’adoption d’une définition plus large du mot « client », doit donc s’opérer.

Du point de vue opérationnel, la pensée interne se focalisant sur ses processus existants ne doit plus être l’unique moteur des initiatives de l’entreprise. Elle doit repousser ses limites en adoptant une approche où les remontées des clients permettent de guider les actions de l’entreprise et non l’inverse.

TROIS ÉTAPES POUR UNE ÉCOUTE EFFICACE

Afin que l’écoute des clients impacte positivement et durablement leur expérience, chaque entreprise doit suivre un plan en trois étapes :

  1. Tout d’abord, il faut non seulement être capable de collecter des retours client, de manière numérique et physique, mais surtout prévoir un process au sein de l’entreprise qui permette d’effectuer des corrections pour mieux répondre aux besoins et ne pas répéter à l’infini des dysfonctionnements. À quoi bon écouter ses clients si rien ne passe après…
  2. Ensuite, l’éclosion de cette culture presque obsessionnelle de l’écoute du client requiert la compréhension puis l’adhésion des collaborateurs. Attention, prétendre développer une culture de l’écoute de ses clients sans avoir au préalable instauré une culture parallèle de l’écoute des collaborateurs est dommageable. En effet, les deux sont complémentaires et représentent deux rouages essentiels d’une même machine. Cela semble une évidence, mais un collaborateur heureux va délivrer un meilleur service au client parce qu’il sera davantage à l’écoute. Cet aspect essentiel ne doit en aucun cas être sous-estimé et requiert une gestion du changement adaptée à l’entreprise.
  3. Enfin, l’entreprise doit mettre en place des processus pour suivre l’utilisation de ses produits et services auprès de ses clients via des indicateurs se basant sur des données. L’objectif est d’adopter une approche proactive intégrée dans le modèle de gouvernance qui permettra de prédire et d’anticiper automatiquement les demandes du client.

VERS UN BIG BANG CULTUREL EN ENTREPRISE

Bien que de plus en plus complexe, à cause notamment de la multiplication des canaux (achat, communication, etc.), l’écoute client est clé dans la stratégie d’une entreprise. Il en va de sa croissance, voire de sa survie. Le temps des 4P est en effet définitivement révolu et le produit, bien qu’encore capital, a laissé sa place au client. Pour s’adapter constamment aux évolutions du marché, cette symétrie entre expérience client et expérience collaborateur doit se construire progressivement et demeurer dynamique. Il convient d’opérer un changement culturel majeur qui doit se concrétiser par de nouvelles habitudes, codes, repères, lexiques, etc. La désignation d’ambassadeurs de cette culture peut s’avérer très efficace pour établir un consensus. Le changement étant par essence permanent, dans ce casting, il faudra naturellement veiller à embarquer des personnes réceptives aux évolutions permanentes des besoins clients et, surtout, capables de s’y adapter.

À terme, cette nouvelle culture de l’écoute du client et du collaborateur impactera sensiblement chaque initiative des collaborateurs et deviendra une habitude pour chacun qui se propagera naturellement aux nouvelles recrues.

Cependant, l’écoute systématique du client doit aussi être mise en perspective selon des analyses stratégiques car une dépendance à la simple écoute peut aussi représenter un risque. Le client n’indique pas systématiquement la meilleure manière de répondre à son besoin, ou encore peut éprouver des difficultés à énoncer clairement ses besoins futurs, c’est bien là l’enjeu de savoir aller au-delà des retours client. Gardons en mémoire la fameuse phrase d’Henry Ford : « Si j’avais demandé à mes clients ce qu’ils voulaient, ils m’auraient répondu : un cheval plus rapide ».

Article initialement paru dans Marketing-professionnel