La promotion immobilière n’est pas la branche la plus innovante du secteur de la construction. Et pourtant, le progrès technologique peut lui offrir de nombreuses perspectives. Le virtuel ne donne pas seulement à voir un futur logement, comme une simple maquette, il mobilise également toutes nos sensations pour en appréhender la matière. Et si le recours à la simulation pouvait bouleverser un secteur de la promotion immobilière en manque de renouveau ?

Il y a 10 ans, en poussant la porte de l’agence d’un promoteur immobilier, celui-ci affichait d’ordinaire fièrement une modélisation numérique en 3D des appartements disponibles. Aujourd’hui, en poussant la porte de la même agence, le client observe souvent… une modélisation numérique en 3D des appartements disponibles. Avec le panel d’innovations pouvant trouver une application dans le secteur de la promotion immobilière, cet immobilisme – c’est le cas de le dire – peut faire figure de retard à l’allumage. Pourtant, des solutions existent et  elles sont prometteuses.

Plus d’infos, moins de pièges ?

Alors qu’elle  apparaissait comme une innovation majeure et un outil de promotion moderne au début des années 2000, les progrès en matière de simulation ont fait passer la maquette numérique pour un outil dépassé, voire ringard. Le numérique d’aujourd’hui a besoin d’envahir nos sens, d’être éprouvé, à l’image de la réalité augmentée ou de la réalité virtuelle. Personne n’est jamais rentré dans une maquette, alors que dans une simulation, tout devient paradoxalement plus… réel. À une époque où c’est l’expérience qui prime, le déclin de la maquette est donc plus profond que le simple aspect esthétique ou la dimension gadget de ses supports rivaux. 

Revenons à la modélisation en 3D de notre cher promoteur de la décennie passée. Maquette lumineuse, aux couleurs chaudes, à la fois passe-partout et directement familière, à l’aménagement sobre et élégant, à la mode, mais pas tendance. Quelques éléments de mobiliers, très peu, juste pour se faire une idée, poser les jalons de ce qui sera, à n’en pas douter, votre futur logement. Vous vous y sentez déjà bien, ça tombe bien, c’était le but. Mais… aucune mesure, aucun point de repère spatial, aucune simulation de votre vis-à-vis ou de l’exposition réelle à la lumière naturelle. Vous vous y sentiez bien, certes, mais ce que vous avez vu n’était pas votre appartement. Et ne le sera donc jamais. 

Sentir la bonne affaire 

On touche ici une des limites de l’exercice de la plaquette ou de la maquette commerciale. Réalisée dans le but de vendre, elle proposait une vision standardisée qui ne prenait pas en compte les critères les moins flatteurs. Délibérément ou non – l’idée n’étant pas ici de faire le procès de quiconque – les acheteurs potentiels n’avaient pas toutes les informations, et leur expérience d’achat pouvait différer sensiblement de leur expérience de vie, une fois les valises et les meubles posés. « J’étais certain que le canapé rentrerait ici… », « Je le voyais plus lumineux » ou « je t’avais dit qu’il fallait prendre un lit de 140… » pouvaient ainsi ponctuer un emménagement teinté de déception. 

La première – et fondamentale – valeur ajoutée d’un outil comme la réalité virtuelle est donc, pour le client, une projection plus juste, plus précise, de chaque dimension de son futur appartement qu’il souhaite évaluer. Il n’a plus affaire à un support marketing enjolivé, mais à un véritable jumeau numérique. Il peut entrer dans la simulation, se déplacer dans un espace virtuel en 3D, et presque toucher du doigt ce qui sera peut-être son futur logement. Si l’on ajoute à cette nouvelle façon de se projeter la possibilité d’y intégrer à volonté des couleurs de peinture, des textures, toutes les données disponibles concernant l’environnement direct du logement, voire quelques pièces précises de mobilier par les technologies de réalité augmentée, il est aisé d’y voir une amélioration significative de l’expérience client lors du processus d’achat. 

Agence virtuelle – achat réel ?

Les possibilités offertes par la réalité virtuelle et la réalité augmentée trouvent déjà des illustrations dans le quotidien de l’activité des promoteurs immobiliers. L’enjeu semble désormais de constituer un outil duplicable pour minimiser les coûts d’utilisation et maximiser l’efficacité. Mais ce n’est qu’une première étape dans la transition technologique du métier. Prochaine étape : le métavers… Si on voit déjà poindre le bouleversement qu’il pourra engendrer, on perçoit encore mal ses applications concrètes. Pour cause : ses possibilités de développement paraissent infinies. Dès lors, tous les fantasmes sont possibles, toutes les ambitions aussi. 

On peut parfaitement imaginer l’apparition, par exemple, d’espaces de vente immobilière dans le métavers. Equipé d’un casque de VR sur la tête, le client se retrouve projeté face à un promoteur qui pourrait lui faire visiter un logement dans un espace virtuel. Il pourrait s’y promener, changer la disposition des meubles, l’heure de la journée pour apprécier la luminosité, trouver une place de choix pour ce tableau, les dessins des enfants, ou cette encombrante pendule Franc-Comtoise.

Chasseur d’appart virtuel

Oubliés les rendez-vous incertains sur un chantier en pleine effervescence et la froideur d’un appartement témoin. Adieu le détail qui figurait au bas d’une page dans un astérisque rédigé en taille 6. Bon débarras les tensions et disputes pour savoir s’il y a 30 ou 50 cm de passage entre le chevet et le mur de la chambre. Bonjour en revanche, nuits de débats enflammés pour savoir si oui ou non, on la garde, cette fameuse pendule Franc-Comtoise, ou pour trancher sur la répartition des chambres. Se projeter plus facilement, c’est aussi anticiper cette étape importante de la vie plus sereinement. Et donc, du point de vue du promoteur, améliorer in fine l’expérience d’achat de ses clients.

Ces avancées technologiques, pour certaines déjà matérialisées dans des solutions concrètes, pour d’autres encore en gestation, définissent une nouvelle frontière entre réel et virtuel, entre présent et futur, mais aussi entre client et vendeur. En s’impliquant plus directement, par la projection rendue possible de son propre réel dans son futur logement, le client participe de sa conception. Il devient cocréateur, et le promoteur accompagnateur ou guide. Son rôle de conseil peut alors prendre tout son sens. 

Ainsi, bien que rien ne semble plus matériel, plus “réel”, que l’immobilier, c’est donc bien le virtuel qui pourrait le faire  sortir de l’immobilisme en créant une nouvelle forme d’expérience-client : celle de pré-propriétaire ou de pré-locataire. Une innovation qui pourrait faire que la déception post-achat ne soit plus une fatalité. 

Article initialement paru dans Forbes.