Grâce aux nouvelles technologies et à l’influence de  certaines entreprises  telles que les GAFAM, l’enjeu stratégique que représente la donnée est de plus en plus admis parmi les décisionnaires. Cependant, malgré l’émergence de la data intelligence, selon Diego Muñoz, Data & BI Director chez Prodware, la majorité de ces décisionnaires ignore comment exploiter les données à leurs dispositions. 

La quantité de données qu’un être humain génère ne cesse d’augmenter, du rythme cardiaque aux chansons préférées, en passant par les marques favorites et les goûts cinématographiques. Selon Forbes, 2,5 quintillions d’octets de données sont créés chaque jour. Malgré ce chiffre vertigineux, l’extraction et l’utilisation du “pétrole du XXIe siècle” comme le définit Kai-Fu Lee, ancien directeur de Google Chine, demeurent un défi pour les entreprises. En effet, seulement 0,5 % de cette masse est analysé. 

L’immatérialité de la donnée peut expliquer la difficulté à en extraire la valeur ajoutée. En effet, le monde s’est principalement construit sur l’identification et la transformation de matières premières physiques. Ainsi, concevoir la donnée comme une matière concrète, de la même manière que l’acier, par exemple, peut paraître surréaliste d’un point de vue culturel. Pourtant, la comparaison est pertinente :les deux matières nécessitent des outils spécifiques et une main-d’œuvre spécialisée.

La recherche et l’analyse de l’information ont toujours été des éléments déterminants dans le succès d’une entreprise humaine. Ainsi, Sun Tzu, un des plus grands théoriciens de la stratégie militaire, écrivait à propos de l’information: “Qui connaît l’autre et se connaît lui-même, peut livrer cent batailles sans jamais être en péril.”. Avec le développement de la numérisation, la nature de l’information à disposition des stratèges a évolué. Désormais, cette connaissance de l’autre passe de l’observation visuelle à la computation de plus en plus fine de données dématérialisées. 

La data intelligence : source de valeur ajoutée

À ce jour, un nombre grandissant d’entreprises parvient à générer des rapports en s’appuyant sur des données (Business Intelligence via des outils comme Power BI/Tableau). Hélas, un faible nombre parvient à analyser, trier, et exploiter celles-ci à un niveau plus précis tout en les combinant. 

La maturité des entreprises en matière de données varie énormément. Mais celles-ci sont souvent confrontées à deux types de situations. La première étant celle où l’entreprise génère beaucoup de données provenant de différentes sources (ERP, CRM, SAP, API, etc.) et ignore comment les exploiter pour créer de la valeur. La seconde correspond à l’entreprise qui ignore jusqu’à l’existence de la donnée dont elle pourrait disposer. 

Selon certains cabinets de conseil, seulement 32 % des entreprises parviennent à tirer une valeur tangible et mesurable de leurs données. Des études montrent également qu’environ 70 % des données minutieusement collectées et stockées par les entreprises ne sont pas utilisées, et celles qui sont effectivement utilisées le sont souvent à mauvais escient. 

Contrairement aux idées reçues, l’approche qui consiste à s’appuyer uniquement sur ce que certains outils d’aide à la décision indique est limitée et archaïque. Comment prétendre véritablement comprendre une information si l’on ignore son origine, ses limites, sa relation avec d’autres informations, … ? 

Le nouveau défi pour une entreprise n’est plus seulement de disposer d’informations sur son activité, il réside désormais dans l’identification et l’exploitation de l’information que les autres ne possèdent pas ou ne sont pas parvenus à identifier.

La faculté à analyser la donnée avec une granularité plus fine via des techniques comme l’Intelligence Artificielle (IA) se nomme la data intelligence. L’avantage pour les entreprises est que celle-ci complète l’activité de Business Intelligence en permettant de repousser les limites de l’entreprise, notamment dans la compréhension de son environnement. Dans un monde où les volumes de données ayant un impact sur les questions de santé, d’environnement et de société ont augmenté, la prise de décisions optimales implique la puissance de l’IA conjuguée à  l’intelligence humaine.

Concrètement, les entreprises les plus matures en matière de données parviennent à aller au-delà de ce qui est visuellement observable. Elles comprennent les attentes des consommateurs, personnalisent l’expérience utilisateur, prédisent l’évolution des ventes en détectant les tendances, anticipent la défaillance d’une machine, améliorent la mise en exécution d’une stratégie, réduisent les coûts, etc. 

La data intelligence peut permettre aux entreprises de comprendre l’être humain avec une finesse  psychologique jamais vue. Dans un monde où l’individualisme s’impose comme norme, la faculté à analyser la donnée à l’échelle d’un individu constitue un avantage compétitif. Le monde s’oriente indéniablement vers une hybridation de plus en plus étroite entre humains et machines. Cette nouvelle étape du développement humain ouvre de nouvelles frontières. Les entreprises qui domineront cette ère seront celles qui seront parvenues à comprendre et prédire le comportement d’un être humain à un niveau de précision élevé via la data qu’il génère en permanence.  

Dans ce même exemple, la stratégie de data intelligence agit comme un cercle vertueux au travers d’un effet de réseau. Plus Amazon comprend ses données, plus elle personnalise ses produits, ce qui contribue à attirer de nouveaux consommateurs apportant avec eux de nouvelles données à l’entreprise. 

Avant d’envisager ce qu’il est possible de faire avec la donnée, il faut déjà identifier la nature de la donnée à sa disposition. Ainsi, la data intelligence permet à une entreprise de mieux comprendre ce qu’elle possède (la provenance de la donnée, la manière dont elle a été créée, sa durée de vie, etc.), déterminer comment créer la donnée additionnelle dont elle a besoin, et optimiser la donnée qu’elle a à sa disposition. 

Dès lors, il devient possible de générer des données stratégiques, fiables et réutilisables pour d’autres cas d’usages. Ces deux derniers éléments contribuent à augmenter la valeur marchande de la donnée. Sans surprise, l’argument monétaire est un formidable moyen de convaincre une entreprise d’investir dans l’exploitation de ses données.


Nécessité de l’expertise


A l’instar de matières premières physiques, l’accumulation de données ne signifie pas forcément plus grande richesse. De nombreux décisionnaires font l’erreur de penser qu’une grande quantité de données est suffisante pour générer de la valeur. En réalité, la qualité de la donnée joue un rôle fondamental dans l’exploitation de celle-ci. Si la donnée est inexacte, obsolète, ou incomplète, l’information provenant de cette donnée sera difficilement exploitable. Malheureusement, l’enjeu de la qualité de la donnée est trop souvent sous-estimé par  des entreprises évoluant encore principalement avec des fichiers Excel incomplets.

L’implémentation d’une stratégie de data intelligence est une tâche complexe comprenant de nombreux pièges à éviter. Tout d’abord, disposer d’une donnée de qualité et en quantité ne suffit pas à une stratégie de data intelligence. Les entreprises doivent notamment intégrer d’autres dimensions telles que la confidentialité (RGPD, etc.). Celles-ci doivent avoir à l’esprit  que disposer d’une donnée n’implique pas nécessairement une autorisation à utiliser celle-ci. De nombreux exemples illustrent le potentiel danger que représente l’utilisation de données sans un consentement précis de la part de l’utilisateur. 

La donnée étant de nature neutre, c’est son usage qui détermine son possible impact négatif ou positif sur la société. Par conséquent, dans le cadre d’une stratégie de data intelligence, un travail rigoureux de contrôle et de mise en conformité de la donnée doit être effectué. 

Parallèlement, la majorité des décisionnaires ignore quels usages sont possibles avec les données à leur disposition. Quel est l’intérêt d’avoir beaucoup de données si l’on ignore quoi en faire ? Souvent, ces mêmes décisionnaires ne disposent pas des compétences internes pour exploiter la donnée. 

Ainsi, le recours à un partenaire tiers spécialisé en data intelligence peut s’avérer opportun. Celui-ci dispose en effet d’une expertise à la fois technique, mais aussi métier grâce aux différentes missions réalisées au préalable. Une stratégie de data intelligence doit également prendre en considération le marché de l’entreprise, sa maturité en termes de données, la stratégie de l’entreprise, ses procédures internes, sa manière de générer et de collecter la donnée, et enfin les outils existants.

Enfin, la transformation des procédures existantes, le frein au changement et l’aspect humain ne doivent en aucun cas être sous-estimés. Un changement de mentalité en matière de données est forcément nécessaire. Selon Harvard Business Review, seulement 24% des entreprises considèrent que leur organisation est axée sur les données. Sans un leadership fort capable d’incarner une culture de la donnée, une stratégie de data intelligence est vouée à l’échec.

Maîtrise  de la donnée : enjeu du présent et de l’avenir 

De manière générale, pour déverrouiller de nouvelles sources de compétitivité, il est temps pour les entreprises d’aller au-delà des informations fournies par certains outils et de comprendre comment la donnée est collectée. 

Si la prise de conscience progressive en matière de besoin d’avoir une stratégie de data intelligence est indéniable, elle sera augmentée par l’apparition de nouvelles tendances et technologies. Selon le magazine Forbes, d’ici 2025, le volume de données doublera toutes les 12 heures. Cela peut s’expliquer par le développement de la réalité augmentée, des “métavers”, de l’internet des objets, de l’intelligence artificielle, etc. Il sera donc de plus en plus vital pour les entreprises de savoir traiter la donnée en la considérant comme une matière concrète à travailler. Leur avenir dépend sans aucun doute de leur capacité à mener à bien cette révolution culturelle. 

Article initialement paru sur GPO mag.fr