Érigé comme première valeur de la modernité, le progrès nous oblige au mouvement. Emportées dans cette dynamique, certaines entreprises peuvent plier sous le poids des injonctions au progrès lancées par les marchés, investisseurs et autres parties prenantes. Mal préparées, par assez matures, en manque de financement, elles peuvent s’épuiser dans leur quête, celle de suivre le mouvement des tendances illusoires.

Comment impulser son propre rythme au marché, tout en valorisant ses différences, son identité, ses valeurs et lever ainsi le voile des illusions ? Voici quelques pistes de réflexions, puisées dans l’expérience, celle d’une Entreprise de Taille Intermédiaire de bientôt 30 ans, au cœur des problématiques de transformation numérique de ses clients.

Échapper au progrès pour mieux l’atteindre ?

L’injonction de Michel Montaigne nous demandant de « vivre à propos » possède une résonance particulière aujourd’hui. Elle se pose comme un mode de survie face à la tentation de se transformer, de progresser en permanence en négligeant les ressources et valeurs qui font notre ADN.

Pour l’expliquer, prenons le cas du transhumanisme. Comme l’explique, François-Xavier Bellamy dans son dernier ouvrage « Demeure », les défenseurs du transhumanisme prônent l’homme augmenté. Ils partent en effet du principe que rien ne doit rester immuable, remplacer l’existant devient donc la seule réponse valable. Mais, sommes-nous si diminués ?

Non ! Face à cet idéal progressiste, prendre conscience de nos propres ressources est un préalable pour faire de l’innovation moutonnière une innovation de sens. Dès lors, comment décliner cette vision tout en épousant la transformation numérique ? Éléments de réponse avec le cas des ETI, parfois délaissées par les médias au profit des startups

Les ETI éclairent la voie d‘une transformation numérique réussie

A l’instar de la maïeutique, chère à Socrate, qui consiste à faire accoucher les âmes de leurs savoirs cachés, l’introspection des dirigeants face aux défis de la transformation numérique fait figure d’impératif. Quelles sont les ressources humaines, technologiques, voire culturelles permettant de supporter le développement pérenne de l’entreprise ?

Il convient d’auditer l’existant. Comme le révèlent EY et Apax Partners, les ETI maîtrisent cette phase. Pour la majorité d’entre elles (94%), l’intégration des technologies numériques dans leur processus relève d’une importance stratégique pour penser le futur de leur modèle économique. Protagoniste majeur, le DSI renforce son rôle de guide, dans les décisions relatives à la conduite du changement (75%) et la mise en place de solutions d’entreprise (60% mettent en place un CRM dédié).

Ensuite, vient naturellement la phase du déploiement. Que faire pour déployer un processus de transformation harmonieux ? A mon sens, il serait vain d’identifier toutes les variables de l’équation de la réussite de la transformation en entreprise. Malgré les avancées probables de l’intelligence artificielle dans l’élaboration de schémas prédictifs pour accompagner la prise de décision, l’intelligence de situation du dirigeant reste indépassable.

Pour ce faire, les dirigeants doivent se focaliser sur :

  • L’alliage du progrès de leur entreprise reposant sur plusieurs niveaux de maturité ;
  • La maturité technologique atteinte à partir du moment où elle devient une source de rentabilité et non un frein ;
  • La maturité économique, autrement dit l’adéquation entre le business model et les prérequis du marché ;
  • La maturité culturelle qu’on pourrait définir comme le socle de valeurs et normes permettant de définir l’identité de l’entreprise et l’épanouissement de ses collaborateurs ;
  • In fine, la maturité sociétale, celle de l’entreprise responsable intégrant dans l’équation de sa croissance les variables des externalités positives.

Encourageons la prise de risques, celle des voies parallèles bâties sur l’existant pour une transformation numérique plus harmonieuse et pérenne.

 Initialement publié dans les Echos.

Source : EY / Apax Partners 2018