Les entreprises doivent faire preuve de toujours plus d’agilité pour rester innovantes. C’est particulièrement vrai dans le secteur industriel où les produits sont tellement aboutis qu’il devient chaque jour plus complexe d’apporter des innovations significatives. Pour y faire face, Marc Launhardt, Team Lead Digital Innovations chez Prodware, souligne l’importance de capitaliser sur des éléments en accord avec les besoins clients et de développer la résilience au changement. Une approche unique et indispensable pour parvenir désormais à se démarquer.

Dans un monde où le changement est la seule chose qui ne change pas, les entreprises sont confrontées à de nouveaux phénomènes imprévisibles et complexes qui les obligent à s’adapter rapidement, au risque de disparaître. Prenons l’exemple du secteur automobile, où des acteurs historiques du marché sont confrontés à de nouveaux acteurs aux méthodes inédites, et sans doute plus performantes. A notre gauche, Tesla, qui construit ses véhicules autour d’un logiciel. A notre droite, Volkswagen, un géant de l’automobile qui intègre des logiciels dans ses voitures. Ces entreprises, fondées sur des concepts différents, proposent pourtant le même type de produit. Elles ne s’inscrivent pas pour autant dans la même dynamique et connaissent des fortunes diverses, aussi bien pour les résultats économiques que pour la perception. Herbert Diess et Ralf Brandstätter, tous deux à la tête du groupe Volkswagen, ont d’ailleurs récemment réuni plus de 120 cadres dirigeants pour enrayer le déclin des ventes en 2021. Selon eux, Volkswagen est trop lent, notamment par rapport à Tesla qui projette d’ouvrir des lieux de production en Allemagne. Cet exemple souligne à la fois l’évolution de la notion de changement pour les dirigeants mais aussi l’impact de la technologie à l’échelle de l’entreprise.

Plus de surface par une transformation en profondeur

Rester compétitif et se différencier dans un environnement en constante évolution passe naturellement par la transformation digitale. L’avènement de la technologie introduit de nouveaux modes de communication auxquels il faut s’adapter. Il n’est désormais plus possible de se reposer uniquement sur l’expérience passée pour survivre au changement. 

Pour surmonter cet obstacle et avoir une proposition de valeur unique, il convient d’adopter une approche centrée sur le client, en veillant à ce qu’elle intègre la transformation digitale et l’engagement collaborateur. Il faut donc repenser la perception du Change Management, sans se borner aux frontières organisationnelles. La dualité Project Manager/Change Manager illustre parfaitement ce propos, d’autant qu’on a longtemps considéré que la conduite du changement incombait au Project Manager. Si ces rôles impliquent une gestion des collaborateurs et des processus, ils relèvent de deux disciplines bien distinctes. Le Project Management se focalise sur les processus et activités nécessaires à la réalisation d’un projet, tandis que le Change Management porte son attention sur les individus affectés par les changements. À titre d’exemple, l’implémentation d’un nouveau système IT, d’un CRM, ou d’un site internet provoquent un changement profond dans les habitudes et les façons de travailler. Pour assurer la mise en place de ces outils, la bonne pratique est de confier la responsabilité technique au chef de projet, et l’explication de la valeur ajoutée au change manager. Le chef de projet peut ainsi se concentrer sur ses tâches principales, pour une gestion plus qualitative et optimisée. Ainsi, l’interaction entre ces deux disciplines permet d’aller au-delà des frontières organisationnelles et technologiques qui pèsent sur l’entreprise, et entravent son développement. 

En somme, si beaucoup d’entreprises investissent déjà dans leur transformation digitale, la réelle valeur ajoutée se crée quand les collaborateurs changent leur façon de travailler. L’engagement est donc un élément clé d’une démarche de Change Management à la fois pertinente et unique pour l’entreprise. 

Engager tous les collaborateurs (oui : tous!) 

Le changement est source d’appréhension pour les collaborateurs. Selon une étude Ifop, plus de la moitié des salariés le perçoivent comme inquiétant. Cette étude révèle aussi l’importance de considérer leurs attentes : 63% des personnes interrogées se déclarent insatisfaites quant à la prise en compte de leurs commentaires. Ces chiffres reflètent le potentiel d’une communication davantage basée sur l’échange avec le Top Management. Le message lui-même (son sens) est trop souvent pensé comme étant le cœur de la communication, alors que dans la pratique, l’efficacité d’une communication repose comme on sait en grande partie sur ses modalités (façon de rédiger ou de parler, média employé, moment choisi pour communiquer, et prise en compte de la façon dont le destinataire va recevoir le message). Or, la communication passe aussi par l’écoute d’autant qu’il est beaucoup plus facile de convaincre des individus qui se sentent valorisés. La conduite du changement s’effectue d’autant plus facilement qu’elle s’accompagne d’une logique d’engagement. Les collaborateurs se sentent ainsi acteurs du changement.

Le psychologue américain Kurt Lewin a d’ailleurs développé un modèle de compréhension du changement en profondeur. Il s’articule en trois phases clés : en premier lieu, les collaborateurs comprennent que le changement est indispensable ; les managers et collaborateurs mettent ensuite en place les nouveaux processus ; enfin, le nouveau mode de fonctionnement est stabilisé. La direction a donc tout intérêt à déployer des efforts de communication conséquents pour instaurer un changement durable et ancré dans la culture de l’organisation.

Concrètement, les entreprises les plus avancées en matière de Change Management ont bien compris le besoin constant d’engager les collaborateurs. Comme dans le modèle de Kurt Lewin, la première étape est de s’assurer qu’ils comprennent bien les raisons du changement. Prenons l’exemple d’un nouveau logiciel. Plutôt que de s’attarder sur la stratégie et d’autres éléments macros du projet, il faudra clairement expliquer les bénéfices pour les utilisateurs. La meilleure façon de dépasser les appréhensions est de détailler les bénéfices directs pour les employés/utilisateurs finaux.

Les CEO pratiquent également le Change Management quand il s’agit de repenser leur Business Model, de passer par exemple d’une entreprise axée sur le produit à une autre, davantage orientée services. La perspective du Change Management permet là aussi d’évaluer les décisions prises, de mesurer le besoin de changement et la dimension culturelle de la démarche, à tous les niveaux de l’organisation. La Direction est alors un véritable agent du changement. Qui plus que tout autre dans l’entreprise, bénéficie d’une vision globale. 

Afin de garantir l’implication des CEO, le développement d’outils pour mieux communiquer, le travail en équipe et le partage d’une vision stratégique sont nécessaires. Cela peut contrevenir à la culture de l’opacité qui règne souvent chez les CEO qui, par tradition ou goût du secret, n’ont pas l’habitude d’être aussi transparents. Cette ouverture est pourtant déterminante pour dépasser les frontières de l’engagement. Ainsi, à tous les degrés de la hiérarchie de l’entreprise, l’objectif est de faire en sorte que les individus deviennent, chacun à leur manière et avec sa spécificité, les moteurs de la conduite du changement. 

Cette approche unique correspond à une nouvelle définition du Change Management. Souvent associée à tort ou à raison à une forme de routine, à la répétition donc à l’opposé du changement, l’expérience n’est plus suffisante pour assurer la pertinence de la transformation. La démarche doit désormais être structurée autour de trois éléments clés : un recentrement sur les besoins client, un processus de transformation digitale mettant l’accent sur la communication interne, le développement d’outils qui visent à briser les frontières entre la technologie et l’humain. Toutes ces variables doivent être intégrées au sein même de la gestion de projet pour qu’un changement qualitatif devienne une réalité quotidienne de l’entreprise, et ne reste pas une simple vue de l’esprit.

Article initialement paru dans Comarketing-news.